mercredi 20 avril 2016

La confession de la lionne de Mia Couto

    "L'accordeur de silences" (2011), "Poisons de Dieu, remèdes du diable" (2013), "La pluie ébahie" (2014), et aujourd'hui "La confession de la lionne", vous l'aurez compris, Mia Couto est un  écrivain que j'apprécie tout particulièrement. Mozambicain d'origine portugaise, né en 1955, biologiste de formation, devenu journaliste et enseignant en écologie, il précise :
    "En 2008, l'entreprise dans laquelle je travaillais dépêcha dans le nord du pays quinze jeunes hommes pour servir d'agents environnementaux. Les attaques de lions contre les personnes débutèrent à la même époque dans la même région.[...] Mes fréquentes visites sur le théâtre du drame m'ont suggéré l'histoire que je rapporte ici, inspirée de faits et de personnages réels." (1)

    Kulumani, village pauvre du Mozambique où seules les femmes sont attaquées par les lions fait appel à Arcanjo Baleiro, dernier chasseur digne de ce nom, afin qu'il mette un terme à ces agressions. Son efficacité est appréciée des villageois il avait, lors de sa précédente venue, tué un dangereux crocodile. Des villageois apeurés, sous l'emprise d'idées les plus folles dictées par des croyances ancestrales qui leur font perdre le sens de la réalité. Des villageois confrontés à une nature et un monde animal énigmatiques où mythes et légendes prennent le pas sur la raison.
    En alternance, deux voix rythment le roman, celle du chasseur terrifié par sa mission et celle de Mariamar, dont la soeur fût la dernière victime tuée par un lion. Racontant leur histoire ils nous content celle du village. Dans le coeur de la jeune femme grondent la rage et la révolte qui lui ouvrent les yeux sur l'origine des attaques des bêtes sauvages.
    Deux voix pour mettre l'accent sur les contradictions de la vie mozambicaine où la tradition orale prend souvent le pas sur la vérité, où tout se mêle, Dieu, les hommes, la nature, où les frontières entre l'humain et l'animal, le réel et le surnaturel sont intangibles.
    Totalement immergé dans un pays qu'il connait parfaitement, l'auteur porte, par la voix de Mariamar, un regard critique sur la place des femmes dans une société dont elles sont écartées, violées au sein même des familles incapables de les protéger :
    "Dans un monde d'hommes et de chasseurs, les mots furent ma première arme."
    L'écriture serait-elle la vraie raison d'être de ce conte ? Chez Mia Couto, je vous rassure, elle est imagée, inventive et parfois drôle.

 (1) Cité par Fabien Mollon SR de Jeune Afrique

    Titre original : A confissao da leoa (2012)
    Traduit du portugais par Elisabeth Monteiro Rodrigues
    Editions Métailié 2015 (234 pages- 18€)

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Josèphe