vendredi 11 mai 2012

La tristesse des anges de Jon Kalman Stefansson

"...ils progressent grâce à cet entêtement aussi admirable que vain, caractéristique de ceux qui vivent à la limite du monde habitable." (p17)

 

    Souvenez-vous, en juillet 2011, j'étais venue vous parler d'un premier roman traduit en français :"Entre ciel et terre" de Jon Kalman Stefansson. L'occasion, en abordant la littérature islandaise, de découvrir une île au relief tourmenté et aux conditions climatiques extrêmes. L'auteur, d'un bond d'une centaine d'années en arrière, nous immergeait dans un monde où la longueur et la rudesse des hivers remettent perpétuellement en question la survie de ses habitants.

     Dans "La tristesse des anges" nous retrouvons le gamin à l'auberge du village où il a trouvé refuge et protection. Chaque jour, il fait la lecture au capitaine aveugle et ronchon, continuant ainsi d'explorer le monde des livres, d'apprivoiser la magie des mots quand ils disent, quand ils consolent.

     "...Il plonge son regard à travers les mots et chaque chose devient neuve,  sans doute sont-ce eux qui, plus que tout, transforment le monde." (p61)

    Nous sommes en avril dans un printemps qui se refuse à venir et maintient l'Islande dans un hiver qui ne veut pas mourir et lance ses derniers assauts de blizzard et de neige.
    C'est donc tout naturellement à la buvette que Jens le postier vient demander de l'aide. Ouvrant la porte, le gamin découvre un homme sur son cheval transformés en une monstrueuse statue de glace. La "séparation" ne sera pas aisée, mais le postier sait, que cette fois encore il a échappé au pire.

    Jens repart le lendemain accompagné du gamin. Bizarre association que ces deux êtres qui n'ont pas grand-chose en commun. L'un, grand et solide gaillard taiseux par peur des mots, l'autre, à peine un homme, amateur de poésie se murmure des vers de Shakespeare quand le courage vient à lui manquer.
    Au cours de leur périple, les rencontres sont rares : un fermier qui cherche son troupeau, un autre qui erre sur la lande puis disparaît. Quelques haltes dans des fermes où ils partagent la misère de leurs occupants et d'où ils repartent à peine réchauffés.
    Puis vient le temps de l'extrême lassitude, du désir d'abandon, là, dans cette neige qui ne demande qu'à les accueillir pour un sommeil trompeur, le temps de l'ultime sursaut qui les remet debout et en marche pour la dernière étape.

    "Ils sont maintenant si loin sur la lande qu'ils n'appartiennent plus au monde des hommes, ils sont un morceau de désert et de ciel en été, la dureté et la mort en hiver. Ils avancent à grand-peine, ils s'épuisent, mais ne peuvent s'arrêter, il n'y a aucun endroit où s'abriter..." (p329)

    L'écriture dense du romancier laisse poindre la sensibilité du poète. Eblouissante narration qui jamais ne se répète, se tient à hauteur des hommes que la nature renie et grandit à la fois. Dans ce monde glacial, l'auteur laisse affleurer une sensualité bien présente même si elle semble, le plus souvent, sommeiller sous la neige.

    Paru en Islande en 2009
    Editions Gallimard 2011 traduit de l'islandais par Eric Boury (378 pages)

    Jon Kalman Stefansson est né le 17/12/1963 à Reykjavik en Islande
    La tristesse des anges est son 2ème roman traduit en français après  Entre ciel et terre.
    Nous attendons le T3 de cette trilogie.

    www.lexpress.fr/.../jon-kalman-stefansson