mardi 22 février 2011

Cronos de Linda Lê

Quand les titans deviennent bourreaux !

"Le soldat frappe à coups de crosse l'homme qui serre un livre contre lui".

Bienvenue à Zaraffcity où il ne fait pas bon s'attarder après le couvre-feu décrété par le dictateur le Grand Guide et son âme damnée le ministre de l'intérieur Karaci dit La Hyène.

Exactions, atrocités paralysent les Zaroviens, les maintiennent dans un état de terreur permanente muselant toute velléité de rébellion. Les sbires des deux despotes exercent sans état d'âme une cruauté sans merci, trop contents du pouvoir qu'ils détiennent et qui, pour l'instant, les dispensent de subir le même sort que leurs victimes.

Le Grand Guide et sa cour se délectent de fêtes somptueuses où courtisans et affairistes intriguent pour s'attirer les faveurs du despote et obtenir richesse et protection aux prix des pires bassesses.

La Hyène aidé de ses "devins à la manque" fomente ses mauvais coups, sombre dans l'orgie, la démesure et la perversité. Rien, ni personne ne lui résiste surtout pas les "jeunes tendrons".

Afin d'éviter à son vieux père de finir ses jours dans la déchéance, Una, jeune et jolie femme, a dû accepter d'épouser Karaci. Elle survit et supporte difficilement sa condition d'otage qui la maintient en complète dépendance.

Un matin, Marko gamin des rues entre par effraction dans sa vie. Sa gouaille, son optimisme éclairent son quotidien, sortent son vieux père de sa léthargie et les empêchent de sombrer dans le désespoir.

Mais La Hyène veille et tient enfin une vengeance à la hauteur de l'affront que lui fait subir Una en se refusant à lui.

C'est alors que Una décide d'entrer en rébellion.

Dans ce roman violent, Linda Lê alterne deux styles complètement différents et allège ainsi son récit.
    Dans les lettres de Una à son frère exilé, témoignage amer et désespéré d'une situation invivable, le lecteur retrouve l'écriture exigeante et élégante de l'auteure.
    A l'opposé, le langage trivial de Karaci démontre, s'il en est besoin, sa vulgarité et ses outrances finissent par le ridiculiser et le décréditer à nos yeux au fil des pages.
    Dans cette fable, la morale est bien cachée, l'espoir est bien mince et il se paie cher. Sans aucun doute, le lecteur ne manquera pas de faire certains rapprochements et l'actualité mondiale ne pourra que lui donner raison.

2010 Christan Bourgois Editeur (164 pages)

Linda Lê
    Naît au Vietnam en 1963 d'un père vietnamien et d'une mère issue d'une famille naturalisée française.
   Vit à Dalat puis à Saïgon, sous un régime assez dur de 75 à 77. Elle n'a que 12 ans mais prend conscience de certains changements.
    A Saïgon, ses études au lycée français, son comportement en retrait génèrent un isolement qui l'incite à se réfugier dans la lecture.
    En 1977 exil en France au Havre avec sa mère, sa grand-mère et ses soeurs. Son père resté au Vietnam ne viendra jamais les rejoindre.
    En 1981 monte à Paris, suit les cours de Khâgne au Lycée Henri IV puis s'inscrit à laSorbonne.
    En 1986, à 23 ans publie son 1er roman "Un si tendre vampire"
    En 1989 "Lettre morte" en hommage à son père.

Pour consulter sa bibliographie cliquer sur le lien ci-dessous;

http://fr.wikipedia.org/wiki/Linda_Lê

Un peu de mythologie ?
    Cronos, un des Titans de la mythologie grecque sépare sa mère Gaä (la terre) de son père Ouranos (le ciel).
    Métamorphosé en cheval, unit à sa soeur Rhéa, ils ont de nombreux enfants qu'il dévore à leur naissance sauf le dernier, Zeus, sauvé par sa mère. Adulte, Zeus contraint Cronos à restituer ses frères et soeurs et le précipite dans le Tartare.

dimanche 6 février 2011

Sébastien (suite)

Seb, on l'appelle ainsi à Bar-les-Rives,
maintenant qu'il devient grand,
c'est lui qui pousse le fauteuil de son grand-père
pour les sorties dominicales au bistrot
et la cérémonie du 11 novembre au monument aux morts.

Ultime consécration, il accompagne Albert et ses copains à Paris
pour les retrouvailles des anciens d'Algérie.
"Il n'en parle jamais, grand-père, de l'Algérie !".

N'empêche, Seb est heureux, un voyage à Paris, entre hommes !
Il est bien, il oublie le centre, il est apaisé...

Il raconte bien Sébastien avec ses mots simples, percutants,
sa perception vraie, sans concession d'un monde "adulte"
qu'instinctivement il refuse.
Mais ce monde n'aura-t-il pas raison de lui ?

2010 La fosse aux ours (139 pages)

Jean-Pierre Spilmont né en 1937 vit en Savoie, se consacre à l'écriture,
a été producteur d'émissions et auteur de dramatiques sur France Culture
et à la Radio suisse romande.
Son roman La traversée des terres froides a été réédité par La fosse aux ours
en 2008.

Sébastien de Jean-Pierre Spilmont

Un enfant trahit par les hommes

Il a froid,
toujours quand on le regarde comme ça.

Il lui demande de raconter,
il n'a rien à dire.
Alors Bourgoin pose des questions
et lui, le taiseux, le presque muet,
libère les mots et raconte enfin !

Sa vie à Mourcets, ses parents débordés
par le magasin et leur rang à tenir.

Bar-les-Rives où ses grands-parents
l'attendent et l'accueillent le week-end et les vacances.

Il raconte l'école,
c'est pas brillant !
"La mère Vrignant", la directrice, dit qu'il reste dans son monde.
C'est vrai !
Il n'a pas envie d'entrer dans celui qu'on lui impose.
Alors, "la mère Vrignant" conseille qu'on l'envoie dans un centre
pour enfants "qui ne fonctionnent pas bien à l'école".

C'est décidé :
à la rentrée, il entre au pensionnat Les Etangs à la satisfaction
de parents pressés de s'en débarasser et de repartir sans se retourner.

Et Sébastien se retrouve seul pour affronter Frémieux,
ses yeux en "lame d'Opinel" et "son sourire de loup",
pour s'adapter à ce lieu à l'écart de la vraie vie où
règne la loi du plus fort.

Sébastien compte les jours qui le séparent du week-end.
Chez ses grands-parents, il est attendu avec tendresse et bonté.
Là surtout, il retrouve son complice, son grand-père :
"c'est le seul en qui j'ai confiance".