dimanche 11 juin 2017

Article 353 du code pénal de Tanguy Viel

    "Donc vous êtes revenu seul, a dit le juge.
    Oui, on était deux et puis voilà, je suis revenu seul...
  
     Le mieux, a dit le juge, ce serait de reprendre depuis le début, et sans me laisser entendre si c'était plutôt une menace ou une dernière chance qu'il me laissait - moi, assis sur la chaise qui lui faisait face, en contrebas du bureau de chêne ou de merisier qui semblait le surélever un peu, là, dans les quinze mètres carrés qui nous accueillaient tous les deux, dans le palais de justice aux murs si défraîchis, au fond d'un couloir sombre."

    Je ne parlerai pas d'interrogatoire, plutôt d'une longue confession du prévenu écouté avec attention par le juge qui n'interrompt que rarement son monologue pour solliciter une précision nécessaire à la compréhension de l'enquête. Dans cette presqu'île brestoise où l'avenir est incertain depuis le licenciement des ouvriers de l'arsenal, débarque Antoine Lazenec, beau parleur charismatique, porteur d'un projet immobilier ambitieux, alléché par les primes d'indemnisation touchées par les ouvriers au chômage.
    Martial Kermeur raconte donc ce qui n'est qu'"une vulgaire histoire d'escroquerie, monsieur le juge, rien de plus." 
    Une parfaite analyse de la situation qui dégénère, de faits successifs qui plongent Martial Kermeur dans le désespoir, submergé par la honte d'avoir failli aux yeux d'Erwan, son fils, spectateur attentif et muet d'un père en train de perdre son statut d'adulte responsable.
    La confession d'un homme simple touchante par sa sincérité, son humilité, faite dans un style oral qui lui donne encore plus de véracité et de densité.
    Et pour moi, la découverte de cet étonnant article 353 du code pénal !
    Les Editions de Minuit 2017 (174 pages - 14,50 €)