mardi 25 juillet 2017

Marlène de Philippe Djian

 "Fille 
Ce n'était pas la meilleure chose à faire. Il risquait même d'envenimer la situation qui déjà n'était pas fameuse. Mais comme elle refusait de lui ouvrir, de l'écouter, il enfonça la porte d'un coup d'épaule.
Il hésita un instant sur le seuil, fatigué, prêt à laisser tomber. Elle leva la tête et posa sur lui un regard indifférent - il aurait pu être n'importe qui, n'importe quoi. Il n'y avait pas de chauffage, la pièce baignait dans l'air glacé. 
Ecoute, dit-il. Viens manger. Laisse-moi réfléchir.
Elle pivota sur son siège et se tourna vers la fenêtre où glissaient de petites plaques de neige fondue.
Mona, je te parle, fit-il dans son dos."  

Ainsi débute ce roman audacieux par sa forme ramassée, élliptique nécessitant attention et vigilance du lecteur pour ne pas être rapidement "largué" : des chapitres, certains très courts, précédés d'un titre souvent inattendu (sourcils, moitié, raviolis, tondeuses, lunettes, rétroviseur, mollet, pute ...) des dialogues noyés dans le texte, des personnages pas toujours faciles à identifier et malgré tout, un texte séduisant, rapide que l'on n'a certainement pas envie d'abandonner avant le point final.
Les personnages ? Deux hommes et trois femmes. Dan et Richard, amis d'enfance, vétérans de l'Afghanistan peinent à se reconstruire depuis leur retour des zones de combat. Nath est la femme de Richard, Mona leur fille de dix-huit ans, en pleine révolte contre ses parents est venue se réfugier chez Dan. Marlène, gaffeuse et experte en zizanie en débarquant chez sa soeur Nath va redistribuer les cartes d'un scénario qui ne demande qu'à déraper.

Une écriture nerveuse, brutale qui ne laisse aucun répit au lecteur mais lui suggèrera certainement un parallèle avec "Oh !" (1912), un des précédents romans de l'auteur où il démontrait avec brio, comme ici, son art de conclure une histoire.


    Editions Gallimard 2017 (212 pages - 19,50€)