lundi 31 décembre 2012

"Oh..." de Philippe Djian

            

    Michèle, la cinquantaine assumée, divorcée, mère d'un fils de vingt-cinq ans qui n'en finit pas de "grandir", vit dans une banlieue résidentielle et tranquille. Tableau banal d'une vie sans histoire jusqu'au jour où Michèle est agressée chez elle par un homme cagoulé qui la viole.
    Si elle décide de garder le secret, elle constate très vite que sa mésaventure suscite chez elle des réactions pour le moins inattendues, des réactions ambiguës, mélange d'attirance et de répulsion pour son violeur.
    C'est avec sa maîtrise habituelle que Philippe Djian met ses personnages, plus vrais que nature, dans des situations qui lui permettent d'explorer les mystères de l'âme humaine. La fin brutale mais plausible nous rappelle que lorsque l'inconscient est déverrouillé, les pulsions sont susceptibles de devenir difficilement contrôlables.

           Editions Gallimard 2012

mardi 11 décembre 2012

Mother de Luc Lang

                                 Une trinité sous haute influence !

    Le père, la mère, le fils, une étrange association "fabriquée" par la mère et soumise aux vicissitudes imprévisibles de sa folie.

    "La force de la mère n'est pas d'être une personne qui s'active sans une direction donnée et qu'on peut observer de l'extérieur avec plus ou moins d'intérêt ou d'indifférence, la mère est un milieu, un mode d'existence qui décide de la clé et de l'octave à partir desquelles se développent le chant et la musique. Le père et le fils entonnent à l'unisson, avec plus ou moins de résistance, de quant-à-soi, mais la mère les tient et les contient dans sa partition, c'est elle qui structure l'univers et décide des rythmes du temps."
                                                                                                  (pages 197-198)
    Ces quelques lignes sont le sésame de ce roman à l'écriture dense et continue construit en trois parties. Au lecteur de superposer ces trois strates pour accéder à la totale compréhension du récit et en saisir toute la subtilité et la profondeur d'analyse.

    Le récit commence à la naissance du fils et se termine à la mort de la mère. "Les amours", "Les nourritures", "les guerres", c'est ainsi que l'auteur aborde, selon des angles différents, l'histoire d'Andrée, mère délirante, inapte au bonheur, engluée dans " une folie de la résistance et de la rébellion, une sorte de folie libératrice". (dixit Luc Lang)
    Malgré ses effets délétères, cette folie n'empêchera pas la cohésion du clan et la fidélité du père et du fils portée par un amour indéfectible pour la mère. Robert, l'homme-rocher, qui jamais ne fera défaut, saura toujours encaisser les coups et rester le pilier que le fils  s'était choisi afin de combler l'absence d'un géniteur qu'il n'a pas connu.
    Admirable acceptation du père et du fils, essayant de comprendre et de ne pas juger une femme en quête d'un impossible bonheur. Et quand la mère, en désespoir de cause, essaiera de les séparer, toutes ses tentatives seront vouées à l'échec.

    "Comment a-t-elle pu, du fond le plus reptilien de son projet cannibale, comment a-t-elle pu, comme animée d'un autre instinct cette fois plus lumineux et plus vital, élire pour amant et mari, et choisir pour père de son enfant, un homme aussi sûr, aussi fiable que Robert ? Un homme qui sauve des enfers ce couple délétère de la mère et du fils ?" (page 287)

    Si certaines scènes sont éprouvantes et nous laissent sans voix, certaines situations sont carrément comiques. Lisant ces pages d'une troublante vérité, le lecteur est en droit de se demander quelle part du vécu de l'auteur habite cette narration ?
    "Ce n'est pas une autobiographie. Le livre est lié à certaines circonstances de ma vie personnelle et à la mort de ma mère en particulier."
    C'est la réponse de Luc Lang à la question posée par Augustin Trapenard lors d'un entretien du "Carnet d'or" sur France Culture.

    Editions Stock, 2012


    Luc Lang est né à Suresnes en 1956. Quelques titres :
  • Voyageur sur la ligne d'horizon Gallimard 1988 (Prix Jean Freustié 88)
  • Furies Gallimard 1995
  • Mille six cents ventres Gallimard 1998 (Goncourt des lycéens 1998)
  • Les indiens Stock 2001
  • La fin des paysages Stock 2006
  • Cruels,13 Stock 2008
  • Esprit chien Stock 2010

      fr.wikipedia.org/wiki/Luc_Lang
     www.la-croix.com/.../Une-inconfortable-etreinte-_NG_-201...
    www.humanite.fr/culture/luc-lang-portrait-en-3d-504387