lundi 8 avril 2013

Ladivine de Marie Ndiaye

    Trois femmes, trois générations, trois destins ligotés par leur origine !

    L'auteure aime nous conter des histoires de femmes. Souvenez-vous : La Sorcière (1996), Rosie Carpe (2001), Trois Femmes puissantes (2009). Dans ce roman, elle déroule le destin d'une mère, de sa fille et de sa petite fille. Trois destins qui auraient pu rester ordinaires si l'origine noire africaine de la mère - Ladivine Sylla - ne les avait marqués d'une véritable malédiction.

    Ladivine Sylla est une femme modeste, effacée qui fait des ménages à  Paris. Elle vit dans un petit logement de la banlieue avec sa fille Malinka qui n'a jamais connu son père. D'humeur toujours égale elle accomplit ses tâches sans se plaindre uniquement préoccupée du bien-être de sa "princesse". Mais, "Malinka en avait eu très tôt l'intuition, que personne au monde ne se souciait de leur existence". L'enfant va très vite comprendre qu'elle n'aime pas être "la fille d'une femme sans considération" et qu'elle en éprouve "une honte et une peur atroces". Peu à peu, le projet de changer le cours de son destin mûrit dans son esprit.
    A seize ans, elle arrête ses études et part dans la région bordelaise  pour garder des enfants pendant les vacances. A la fin de l'été, elle sait que le moment est venu de quitter "la servante" et décide tout simplement de ne pas rentrer, de rester en province pour se construire une autre vie. Et c'est ainsi que Clarisse voit le jour !

    Clarisse/Malinka, une seule personne menant sans jamais faillir "à ce qu'elle avait décidé une fois pour toutes" deux vies parallèles qui jamais ne se croiseront.
    Clarisse qui vit et travaille à Bordeaux redevient Malinka, une fois par mois, quand elle rend visite à sa mère qui a quitté la région parisienne pour se rapprocher d'elle. De son mariage avec Richard Rivière, de leur installation à Langon, de la naissance de leur fille prénommée...Ladivine, Clarisse/Malinka ne lui en dira pas un mot. Elle continue sa double vie, soucieuse de ne jamais contredire son mari, devenant de plus en plus indéchiffrable. "Son oubli volontaire et permanent d'elle-même avait construit autour de sa personne une mince muraille de glace et sa fille comme son mari s'étonnaient parfois, sans le dire, sans le savoir peut-être, de ne pas l'atteindre au coeur de ses sentiments." Otage de son propre mensonge, elle se retrouve "empoisonnée" par "l'amour impérissable et déchirant, qu'elle portait à la mère de Malinka".
    Peu à peu, Clarisse s'enferme dans son silence décourageant Richard qui, après vingt cinq ans de mariage, la quitte pour tenter une autre vie à Annecy. Désormais seule, sa fille mariée est en Allemagne, Clarisse recueille Freddy Moliger, un homme inquiétant, perturbé par une enfance malheureuse et un séjour en prison. De façon inattendue, Clarisse le présente à sa mère et lui avoue s'appeler en réalité Malinka.

    Ladivine Rivière vit à Berlin avec son mari Marko et leurs deux enfants. Préoccupés de passer des vacances inhabituelles, ils partent, sur les conseils de Richard, en Afrique dans une région perdue et sauvage où rien ne se passe comme ils l'espéraient. Lieu inquiétant où les événements échappent à leur entendement et deviennent rapidement incontrôlables. Seule Ladivine semble profiter de ce séjour atypique, séduite par un pays qui la fascine et sous le charme d'une forêt qui l'attire inexorablement.

    Clarisse/Malinka reste le personnage central de ce roman, même quand elle disparaît de la scène. L'auteure se joue du temps, des lieux, des apparitions et des disparitions, des événements inexplicables, des silences et des trahisons. Elle nous parle de désirs, d'amours non-avoués, de mots et de sentiments manqués, de personnages qui se cachent derrière leur propre image.
    D'une écriture d'une rare densité, elle analyse, elle débusque sans relâche des êtres perdus, sortis de leur vie, contraints par des situations qui les dépassent. Elle les cerne de si près qu'ils nous deviennent familiers et "aimables". Une superbe écriture minutieusement élaborée, parfaitement maîtrisée qui laisse le lecteur abasourdi et admiratif le livre refermé.

    Editions Gallimard 2013 (403 pages)

    Marie Ndiaye est née le 4 juin 1967, enfant métisse d'une mère Beauceronne et d'un père Sénégalais. Elle commence à écrire dès l'âge de 12 ans. En 1984 elle dépose son premier manuscrit aux Editions de Minuit où Jérôme Lindon décide immédiatement de le publier. Son oeuvre abondante (romans, théâtre, nouvelles) fût couronnée par le Prix Fémina pour Rosie Carpe (2001) et le Prix Goncourt pour Trois femmes puissantes (2009)

    fr.wikipedia.org/wiki/Marie_Ndiaye
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    www.lexpress.fr/.../ladivine-de-marie-ndiaye-entre-realisme.