vendredi 25 octobre 2013

La Lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson

    "Bientôt, ma Belle, j'embarquerai pour le long voyage qui nous attend tous."  

     Un vieil homme revient sur son passé et raconte par le truchement d'une lettre ce que fût sa vie de paysan éleveur de brebis dans une Islande de collines, de landes et de pâtures.
    Un long monologue adressé à Helga, la femme qu'il a passionnément aimée, qu'il n'a jamais oubliée, dont il s'est volontairement séparé pour ne pas mourir à lui-même et continuer la vie qui devait être la sienne.
    Je n'en dirai pas plus afin de ne pas amputer le plaisir des futurs lecteurs. Qu'ils sachent simplement, que l'auteur manie avec discernement poésie et réalité, qu'il inscrit son histoire dans un quotidien qui n'est jamais pesant parce qu'ancré dans une nature omniprésente qui commande à la vie des hommes. La vraie vie, celle vécue par des gens simples qui ont le courage d'assumer leur choix jusqu'au bout.
    En un mot une lecture clairvoyante qui respire la joie, la santé ... et les regrets de ce qui a été manqué.

    Editions Zulma 2013, traduit de l'islandais par Catherine Eyjolfsson.

 Bergsveinn Birgisson est né en 1971. Titulaire d'un doctorat en littérature médiévale scandinave, il porte la mémoire des histoires que lui racontait son grand-père, lui-même éleveur et pêcheur dans le nord-ouest de l'Islande.



dimanche 6 octobre 2013

Le coeur de l'homme de jon kalman Stefansson


    Après Entre ciel et terre (2010) et La tristesse des anges (2012), Le coeur de l'homme termine la trilogie islandaise de l'auteur.

    Le gamin, son parcours initiatique est le fil rouge de la trilogie. Dans le premier volume, il voit mourir son ami Barour qui lui avait transmis sa passion des livres. Dans le second volume, il part avec Jens le postier pour une tournée improbable et périlleuse. En cours de route, Hjalti qui se joint à eux pour ramener au village le cercueil d'une jeune femme en vue d'un enterrement décent disparaîtra englouti par la neige. Epuisés, Jens et le gamin sont victimes d'une avalanche qui leur laisse peu de chance de s'en sortir indemnes.

    Dans ce troisième volume, nous sommes toujours en Islande, au XIXème siècle, sur cette île au climat extrême, aux hivers interminables, aux printemps éphémères et aux étés sans nuit où la campagne de pêche rythme la vie du port.
    Nous retrouvons nos deux miraculés qui émergent d'un long sommeil réparateur. Par un heureux hasard, ils ont atterri sur le toit de la maison d'Olafur le médecin qui s'est chargé de les remettre sur pieds. Enfin rétablis et le dégel venu, ils regagnent chacun leur village, non sans regret pour le gamin très ému par la jeune femme rousse qui les avait soignés. Son souvenir ne cessera de le hanter.
    C'est à l'auberge de la veuve Geirbruour, femme émancipée qui sait tenir tête aux hommes et aux éléments, que le gamin trouve refuge et rencontre tous ceux qui vont l'aider à se construire : Gisli, le directeur des écoles, Helga, Andréa qui abandonne Pétur son mari au coeur sec, Olafur, Högni, Rakel qui a peur des hommes, Sigurour le médecin, Kolbein le capitaine aveugle et sa bibliothèque, lieu de toutes les convoitises pour le gamin sans instruction devenu amoureux des livres et des mots. Bien d'autres personnages, plus ou moins influents, gravitent autour de lui étoffant le tableau réaliste et foisonnant du village.

    L'auteur excelle dans l'évocation poétique d'une nature dure aux hommes qui impose sa loi et ne pardonne aucune erreur. Epopée lyrique où les personnages luttent pour une survie rendue hypothétique par la rudesse des hivers, la violence des éléments et la pauvreté.

    Comment peut-on survivre en un pays où le printemps libérateur assassine les faibles ? Où un hiver interminable et noir pèse comme un couvercle sur l'esprit des gens où l'été aux nuits claires vous déçoit si souvent, que faut-il pour survivre à tout cela ? (p.63)

    Avec sensibilité il dit les doutes, le temps qui passe, les rêves, l'espoir d'une vie meilleure. Avec subtilité il fait entendre la voix des morts gardiens de la sagesse et de la transmission tout en nous maintenant dans la réalité d'un siècle et d'un pays qui font que la vie, pour certains islandais, se transforme en cauchemar.

    ... Il tombe de la neige fondue, tout est mouillé, tout devient gris, la mer s'ébroue et les noyés parlent du printemps, de ces nuits où tout est clair, lorsque le monde se change en éternité bleue et quelque part , à une profondeur de soixante-dix mètres, son père est assis et les poissons se cognent doucement à son visage, il s'imagine être encore vivant au lieu de reposer, noyé, au fond de la mer et il imagine qu'elle l'embrasse, des baisers froids, donné sous soixante-dix mètres d'eau, les os de son crâne craquent sous le poids de l'océan, ce poids qui le maintiendra au fond, dans la solitude de la mort, pendant l'éternité, une éternité de ténèbres, à moins que le gamin ne se mette à vivre. (p.82) 

    Ce troisième roman, le plus long de la trilogie, aurait sûrement gagné à être un peu allégé dans sa partie centrale. La fin m'a semblé s'éterniser comme si l'auteur ne pouvait se résoudre à quitter ses personnages ?  

    Editions Gallimard 2013, traduit de l'islandais par Eric Boury

Les lecteurs intéressés peuvent retrouver sur le blog les articles sur
     Entre ciel et terre, publié le 03/07/2011
     La tristesse des anges, publié le 11/05/2012
ainsi qu'une biographie de l'auteur.