lundi 23 novembre 2015

2084, La fin du monde de Boualem Sansal

    " Dormez tranquilles, bonnes gens, tout est parfaitement faux et le reste est sous contrôle."

    Roman d'anticipation, fable orwellienne, un livre annoncé par les précédentes parutions de l'auteur : "Harraga" (2005) deux femmes en rébellion, "Le village de l'allemand" (2008) qui ose le parallèle entre les horreurs de la Seconde Guerre mondiale et celles de la guerre d'Algérie, "Rue Darwin" (2011) où Yazid évoque 50 ans de sa vie intimement liée à l'Histoire algérienne de 1950 à nos jours. Je n'évoquerai pas ceux de ses livres que je n'ai pas lus, mais tous ont contribué à le rendre indésirable dans son propre pays qu'il n'a jamais voulu quitter. Démission, mises à l'écart, menaces, injures sont les conséquences de son engagement.

    "2084, la fin du monde", l'avènement d'une dictature religieuse, un concentré de régime totalitaire où soumission et obéissance sont obligatoires en Abistan, empire dirigé par le prophète Abi délégué de Yolah depuis la fin de la Char la grande guerre sainte. L'Abilang en est la nouvelle langue. Le peuple est maintenu dans l'ignorance et l'amnésie, muselé et confiné par l'interdiction de circuler, sauf pour certains autorisés à participer au pèlerinage.
    Pour Ati, 30 ans, pas de pèlerinage, il est choisi pour aller se soigner au sana, forteresse protégée par "les murailles de l'Ouâ", élevée sur un promontoire au milieu d'un univers désolé et désertique. Il y rencontre Nas, l'ethnologue qui a découvert les ruines d'un village antique susceptibles de remettre en questions les fondements de L'Abistan. Ati doute et rêve de la frontière qui, dit-on, n'existe pas et finira par rejoindre ceux qui fomentent une conspiration.

    Comme à son habitude, l'auteur utilise la langue française avec brio. Maniant l'impertinence et la drôlerie, les mots sont sans ambiguïté, sans haine aucune même quand il laisse poindre la colère, la rage et la honte. On oublie son emphase, parfois dérangeante, quand elle est adoucie par la tendresse.
    Mais pour une fois, Boualem Sansal en fait trop : à trop vouloir expliquer, à trop vouloir convaincre, il se perd dans les détails qui ralentissent le rythme de la narration et lassent le lecteur en rendant son propos moins crédible. Une lecture qui demande des pauses pour "digérer" une situation qui n'est que trop d'actualité.

    Editions Gallimard 2015 (274 pages-19,50 €)