vendredi 2 septembre 2016

Vi de Kim Thuy

    C'est dans ses origines que l'auteur puise les thèmes récurrents de ses romans qui peuvent certes être lus séparément même s'il me semble dommageable de ne pas en respecter la chronologie.
    Elle naît à Saïgon en 1968 en pleine guerre du Vietnam alors que le dix-septième parallèle sépare déjà le Nord et le Sud. Elle a dix ans quand sa famille pour fuir le régime communiste émigre au Canada.

    "Ru" son premier roman relate leur traversée sur un bateau de fortune. Comme tant d'autres boat-people, elle va vivre l'enfer d'un voyage dangereux dans la promiscuité et la saleté. Après un séjour interminable dans un camp de réfugiés en Malaisie, la famille débarque enfin au Québec. Une enfance discrète, des études à Montréal, des petits boulots, des voyages, des rencontres, le désir de se consacrer à l'écriture aboutissent à la publication de "Ru" en 2010 salué par un immédiat et franc succès tant au Canada qu'en France.

    "Man" son second roman paraît en 2013. Man épouse un restaurateur d'origine vietnamienne exilé au Québec. Grâce aux souvenirs de son enfance, par les plats qu'elle cuisine, elle réinvente son pays. Ce récit est aussi un vibrant hommage rendu à ses "trois mères" : celle qui l'a fait naître, celle qui l'a allaitée et celle qui l'a élevée, les trois femmes qui ont contribué à donner à une adulte soumise le désir farouche de prendre son destin en main.

    "Vi" j'y arrive enfin, comme Kim Thuy par des chemins détournés.

    " ... je voulais raconter l'histoire particulière d'un couple, mais pour qu'on les comprenne, il fallait que je raconte d'où venaient Vi, ses parents, puis ses grands-parents ... et finalement ça a pris tout le livre. Je suis comme ça moi, les histoires que je veux raconter ne se racontent pas, ou seulement oralement aux gens qui sont autour !" (1)


    Quand le père de Vi vient au monde alors que le Vietnam s'appelle encore l'Indochine son avenir  ne semble faire aucun doute : la famille Lê Van An possède un grand domaine, d'immenses terres, une vaste demeure, une trentaine de domestiques pour la servir. L'Histoire va rapidement se charger de transformer un destin princier en cauchemar et contraindre la famille à l'exil.
    Pour Vi, l'exil c'est le dépaysement radical, la nécessité de trouver un équilibre entre la tradition vietnamienne riche et omniprésente et les moeurs du Québec beaucoup plus libres. Se construire une identité, faire de sa double culture un atout supplémentaire, devenir une femme responsable capable de s'assumer, en mot vivre enrichie de ce que son nouveau pays lui a donné.
    Par son travail, elle aura l'occasion de retourner au Vietnam où elle rencontrera Vincent, l'ingénieur français qui vit à Hanoï et lui fera découvrir la beauté de son pays perdu.

    " Je dirais plutôt la richesse de l'exil et d'avoir deux cultures. Je ne serais pas celle sue je suis sans cela. Mon objectif est d'écrire la beauté, j'écris juste pour ça.Je veux montrer que parfois, quand on est né quelque part, on ne réalise pas comment c'est beau." (1)






    Son écriture a fait l'unanimité : langue sensuelle, égale sans haine ni ressentiment, parfois poétique et parfois avec une pointe d'humour discret. J'ajouterai qu'elle n'a pas son pareil pour évoquer les échecs avec une force tranquille et une infinie pudeur qui subliment le quotidien.
    Une écriture lissée où "pas un cheveu ne dépasse"! En refermant le livre, le mot "zénitude" me vient à l'esprit !

    Editions Liana Levi 2016 (138 pages - 14,50 €)
    (1) citations tirées de son interview accordée à Josée Lapointe.



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Josèphe