dimanche 1 février 2015

Soumission de Michel Houellebecq

    François, la quarantaine, est le narrateur de ce roman. Grâce à sa thèse sur J.K. Huysmans dont il est devenu le spécialiste, il occupe depuis plusieurs années un poste de maître de conférences à Paris III- Sorbonne. Il a entamé sa carrière d'enseignant sans vocation et sans enthousiasme, s'est installé dans une vie marquée "par son uniformité et sa platitude prévisibles". De temps en temps il publie des articles toujours appréciés et rompt la monotonie des jours en draguant les étudiantes pour d'éphémères relations amoureuses qui se terminent quand arrivent les vacances d'été.
    2022, fin du deuxième mandat de François Hollande. Aux élections présidentielles le parti de la Fraternité Musulmane a toutes ses chances. Son leader Mohammed Ben Abbes, modéré, soucieux de "présenter l'islam comme la forme achevée d'un humanisme nouveau et réunificateur" devient président.
    Confronté au changement de politique au sein de l'université, François va devoir renoncer ou choisir de s'y adapter. Après quelques escapades en province, il rentrera à Paris sans avoir pris de décision.

    Chaque publication de Houellebecq est un événement littéraire particulièrement attendu !
    Les attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher, l'ampleur de l'élan de solidarité qui a suivi ont changé la donne. Coïncidence défavorable pour "Soumission" qui risque de porter à confusion, d'être accusé de provocation et qui oblige l'auteur à prendre la sage décision d'en arrêter momentanément la promotion.
    Tout a été dit sur ce roman : islamophobie, incitation au terrorisme ! Je n'ai personnellement rien vu de tel. Mais j'ai lu une formidable fable satirique, certes désenchantée, écrite par un professeur de faculté pessimiste en diable, plus enclin à se laisser porter par les événements qu'à envisager  la révolte et la protestation.
    Jamais de jugement, un constat réaliste des milieux médiatique, universitaire, intellectuel qui cache derrière une forme de complicité qui se garde bien de dire son nom, une passivité et une lâcheté achetées par des arguments éminemment convaincants pour certains.

   
    Un roman d'anticipation ? Pas uniquement ! Un écrivain qui "sait" élever le débat en s'appuyant sur de solides références philosophiques et littéraires, qui continue, à l'ombre d'une constante provocation désabusée, l'élaboration d'une oeuvre que je trouve toujours aussi passionnante.
  
    Editions Flammarion 2015 (300 pages-21€)


2 commentaires:

  1. Jean Daniel Reuss à Rebaismardi, 30 juin, 2015

    Je n'ai pas lu "Soumission" de Houellebecq; (en fait, je ne lis plus aucun livre, mais seulement les commentaires, quand il y en a).

    Un partie importante du roman est un avertissement developpant l'hypothèse vraisemblable qu'est une fin de notre civilisation occidentale par noyautage insidieux.

    Pour éviter d'envenimer inutilement notre situation présente, Houellebecq, qui me semble être un esprit très fin, a habilement enrobé son anticipation dans des anecdotes drôlatiques plus ou moins scabreuses et choquantes.

    Certes, nul ne connaît l'avenir et pour ce qui peut arriver,l'imprévu et l'inattendu sont la règle. Houellebecq a situé la transition vers l'islam en 2022, mais bien évidemment, à l'échelle de l'Histoire on n'est pas à quelques siècles près, et il faut comprendre 2200 ou 2400 ou 2600 .....

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  2. M.H., difficile de le cacher est pour moi un auteur important qui devrait marquer son époque.
    Des personnages adultes, consentants, responsables de leurs choix, de leurs actes, je ne vois là rien de choquant ou de scabreux. Je vous accorde une propension de l'auteur à la provocation qui n'est pas pour me déplaire parce qu'elle rend le propos acide et percutant.
    "2200 ou 2400 ou 2600"... l'Histoire aurait-elle décidé de prendre son temps ?

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Josèphe