samedi 1 août 2015

Nous sommes tous morts de Salomon de Izarra

    " Ils  sont tous morts... Les cadavres de ceux que nous n'avons pas réussi à manger pourrissent patiemment dans la cale, entassés les uns sur les autres. Je l'ai d'ailleurs fermée à double tour, on ne sait jamais. Je crois que je suis perdu. Oui, je suis perdu."

    Un baleinier norvégien, La Providence, le bien-nommé pour ses marins (?), part en campagne de pêche. Deux jours après avoir quitté le port, le bateau essuie une tempête effrayante, du jamais vu disent les marins qui peinent à faire front pour maintenir le bateau à flots. Contents de s'en être à peu près bien sortis, ils vont très vite déchanter et réaliser qu'ils se retrouvent sur un bateau prisonnier des glaces. Erreur de navigation, dérèglement climatique, aucune explication plausible pour un phénomène incontrôlable : une glace qui progresse inexorablement pour peu à peu tout envahir et paralyser les hommes. Ils réalisent qu'ils sont pris au piège. Le capitaine s'enferme dans sa cabine, perd la raison et c'est Nathaniel Nordnight, le second, qui prend le commandement. "Nous sommes tous morts", si le titre ne laisse aucune illusion au lecteur, il incite Nathaniel à tenir un journal de bord qui sera miraculeusement retrouvé.
    Les avis sont partagés et certains n'hésitent pas à comparer l'auteur à Melville, Lovecraft, Stevenson ..., je ne me permettrai pas d'en juger, ce sont des écrivains que je ne fréquente pas (peut-être à tort). Personnellement j'ai fait le rapprochement avec "La route" de Cormack McCarthy : certes, la situation est différente, les personnages évoluent sur une terre dévastée, couvertes de cendres. La glace, les cendres, deux mondes où l'homme n'a plus sa place, où l'instinct de survie prime sur son jugement égaré où la folie le régresse vers une anthropophagie programmée.

    "Ils gardaient tous les yeux baissés, honteux de m'entendre exprimer leurs inavouables désirs. La faim leur faisait aussi perdre la raison et ils réalisaient que l'attachement à la vie brisait les tabous les plus sacrés."

    Mais encore faut-il avoir l'art et la manière pour aborder un tel concept. Je crois que la délicatesse n'est pas une notion essentielle chez l'auteur. A vouloir trop en faire, il a perdu de sa crédibilité et ses personnages me paraissent manquer de consistance. Certaines précisions culinaires sont à mon avis superflues et même déplacées. (J'ai craint un moment me retrouver sur "Marmiton.com"). Déplacée aussi la dédramatisation de ce cannibalisme "ordinaire" qui semble vouloir afficher une tentative d'effacement des tabous ancestraux. Du fantastique qui manque d'intérêt, de profondeur et totalement dénué d'émotion. Dommage, le style n'est pas sans talent.
    Un premier roman qui laisse à l'auteur la possibilité de nous séduire avec une prochaine publication.

    Editions Payot & Rivages 2014 (132 pages-15€)



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Josèphe