mercredi 7 janvier 2015

La pluie ébahie de Mia Couto

    "L'accordeur de silences","Poisons de Dieu, remèdes du diable", "La pluie ébahie", j'aime les titres de Mia Couto. Ils suscitent la curiosité, incitent le lecteur à aller voir ce qui se cache derrière les mots et, je l'avoue, ses romans ne m'ont jamais déçue.

    L'auteur nous propose ici un conte que certains pourraient qualifier de philosophique, alors mettez-vous au diapason de ce jeune garçon qui raconte l'événement inhabituel qui inquiète et perturbe les habitants de la petite ville de Senaller :
    "... la pluie avait perdu son chemin."
    "... c'était une pluie mince en suspens, flottant entre ciel et terre. Légère, ébahie, aérienne. Mes parents appelèrent ça un "pluviotis". Et ils rirent, amusés par le mot. Jusqu'à ce que le bras de grand-père se dresse :
    -Ne riez pas si fort, la pluie est en train de dormir..."
    Mais la pluie oubliait de tomber, la rivière s'asséchait, le puits se tarissait et chacun s'interrogeait sur les raisons de cette anomalie, même les "commandeurs des nuages" n'avaient pas su régler le problème. C'est une malédiction, un sort ou les fumées de la nouvelle usine installée par les Blancs ?Personne ne veut aller protester auprès de la direction, on n'écoute pas les Noirs surtout quand ils sont pauvres disent les hommes et c'est la mère du garçon qui va prendre l'initiative de s'y rendre.

     Dans un langage imagé, le garçon conte une histoire pleine d'émotion, de peur et d'angoisse. Une histoire d'actualité qui évoque les problèmes intergénérationnels, la place de la femme dans la société et les difficultés des pays africains à se construire, à échapper au développement incontrôlé qui pollue leur environnement.
    Un garçon qui cherche à grandir aidé de son grand-père qui reste sa référence, le gardien de la légende des Ntoweni et compense ainsi l'apparent désamour de ses parents. Une histoire de vie et de mort portée par une poésie puisée dans l'utilisation d'expressions et de mots qui nous semblent "décalés" mais qui sont en réalité l'apanage d'un peuple simple qui ne veut pas faire table rase de son passé.

    "... Ainsi s'accomplit sans que je le sache moi-même le dessein de mon vieux grand-père : il voulait le fleuve débordant la terre, voguant dans notre poitrine, portant au-devant de nous nos vies d'avant-nous. Un fleuve ainsi, fait uniquement pour exister, sans autre finalité que de ruisseler, sacréant notre village."

    Traduit du Portugais (Mozambique) par Elisabeth Montero Rodrigues
    Editions Chandeigne septembre 2014 (93 pages-14€)

    Mia Couto, d'origine portugaise est né, au Mozambique, le 5 juillet 1955



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Josèphe