Emmerich, Bauer et le narrateur, dont on ne connaîtra jamais le nom, sont incorporés dans la compagnie du lieutenant Graaf. Leurs prénoms nous laissent à penser qu'ils sont allemands et peut-être cantonnés en Pologne dans un collège puisque sont mentionnés un dortoir et une cour. La fenêtre couverte de givre nous apprend qu'il fait très froid.
"Le fer avait tinté dehors" convoquant les soldats dans la cour. "Graaf, notre lieutenant, nous dit qu'il en arrivait aujourd'hui, mais tard probablement, en sorte que le travail était prévu pour le lendemain et qu'il revenait cette fois à notre compagnie."
Un travail si perturbant que les trois compagnons d'arme se risquent à plaider leur cause auprès du commandant, lui suggérant qu'ils seraient plus utiles sur une autre mission dans la campagne environnante.
Ils sont donc partis au petit matin dans "un froid de chien" le ventre vide, pour ne pas prendre le risque de croiser le lieutenant. Parfois, ils font une pause pour fumer : "Autour de nous il n'y avait que des champs immenses. Le vent avait fait onduler la neige, il avait construit des vagues longues et régulières que le froid avait figées depuis longtemps. Nous regardions autour de nous comme si nous étions au milieu d'une mer toute blanche."
Les heures défilent, la faim commence à les tarauder et ils vont devoir s'inquiéter d'une solution pour cuire leurs maigres provisions et surtout, ne pas oublier de se mettre en chasse pour remplir leur mission et ne pas rentrer bredouilles au cantonnement.
"On marchait sans y croire depuis l'aube, et voilà que les yeux perçants d'Emmerich venaient de nous l'amener." Le contrat rempli, restait à trouver un lieu. "La maison apparut derrière une rangée d'arbres. Nous n'avons pas eu besoin d'en parler. La décision était écrite dans nos ventres et le ciel glacé."
La maison, une ruine, improbable huis-clos où vont se trouver réunis les trois soldats et leur jeune prisonnier juif. Viendra les rejoindre un Polonais antisémite véritable concentré de l'époque. Huis-clos où les personnalités vont se révéler, s'affronter et accepter de ...partager.
L'auteur n'évoque jamais le physique de ses personnages, il veut des types ordinaires perdus au milieu de nulle part, dans un univers imprécis et vague, confrontés à une situation inhabituelle. S'il constate sans jamais les juger, il finit par éprouver pour les trois soldats devenus bourreaux malgré eux, compréhension et respect.
Le repas, c'est l'apogée du roman, l'instant de trêve dans cette tragédie où les ventres commandent aux hommes de déposer les armes pour un court instant et de partager la maigre pitance. La preuve qui nous autorise à croire qu'il reste encore chez l'homme une petite part d'humanité.
De son écriture subtile et patiente, l'auteur le démontre indubitablement !
Editions Stock 2012 (137 pages)
Hubert Mingarelli : né le 14/01/1956 à Mont-Saint-Martin en Lorraine. A 17 ans arrête l'école et s'engage pour 3 ans dans la marine? Revient à Grenoble. Vit actuellement dans Les Alpes.
- Une rivière verte eet silencieuse, Seuil 1999
- La dernière neige, Seuil 2001
- La beauté des loutres, Seuil 2002
- Quatre soldats, Seuil 2003 Prix Médicis
- Homme sans mère, Seuil 2004
- le voyage d'Eladio, Seuil 2005
- Océan Pacifique, Seuil 2006 Prix Livre et Mer Henri-Quéffelec
- Marcher sur la rivière, Seuil 2007
- La promesse, Seuil 2009
- L'année du soulèvement, Seuil2010
- La lettre de Buenos Aires, Buchet-Chastel 2001 grand prix SGDL de nouvelle
- La vague, Editions du Chemin de fer 2011
- la source, nouvelle, Cadex 2012
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Josèphe