dimanche 6 novembre 2016

Le dernier frère de Nathacha Appanah

    "David était appuyé contre le chambranle de la porte. Il était grand, ça m'a étonné. Il portait une de ces chemises de lin qui, même de loin, font envie par leur douceur et leur légèreté. Il avait pris une pose nonchalante, les pieds légèrement croisés, les mains dans les poches. Une sorte de lueur tombait sur une partie de ses cheveux et ses boucles brillaient. Je l'ai senti heureux de me voir, après toutes ces années. Il m'a souri.
    C'est peut-être à ce moment-là que j'ai compris que je rêvais."

    Alors qu'il est au seuil de ses soixante-dix ans, le narrateur est perturbé par ce songe qui le projette dans les années quarante, les années de son enfance sur l'île Maurice, où Raj le garçon de dix ans qu'il était, a vécu les deux épisodes qui ont bouleversé définitivement sa vie.
     Tout d'abord, ses deux frères disparaissaient brutalement, leurs corps emportés par l'ouragan supprimant la preuve de leur mort : chaque jour il attendait leur retour et espérait les apercevoir au détour d'un chemin.
    Ensuite, sa famille s'installait à Beau-Bassin à côté de la prison où son père était gardien. Le lieu attisait terriblement sa curiosité : il passait des heures près des barbelés, dissimulé dans les hautes herbes, fasciné il observait les prisonniers pendant la promenade intrigué par la présence des enfants sans comprendre la raison de leur enfermement. Il avait tout particulièrement remarqué un enfant "blanc" qui, à l'évidence, semblait s'intéresser aussi à lui :

    "Je ne me souviens pas du moment exact où j'ai remarqué David. Peut-être était-ce quand il a marché vers les barbelés ? ... Il s'approchait de la grille, lentement, sans se presser et cela m'a paru si incroyable qu'il fasse cela alors qu'il était en prison, comme s'il marchait dans son jardin et il se rapprochait, se rapprochait, là maintenant, je voyais mieux son visage, son minuscule visage d'enfant blond perdu dans la moiteur et la chaleur de Beau-Bassin..."

    Raj ignorait qu'en 1940 la guerre sévissait et que les mystérieux prisonniers étaient des Juifs d'Europe de l'Est maintenus en exil sur l'île Maurice. Séparés par la clôture de barbelés, ils faisaient connaissance et, s'ils ne parlaient pas la même langue, finissaient par se comprendre malgré tout. Quand David se glisse sous la clôture, Raj l'attendait. Les deux complices vivront pendant quelques jours une singulière aventure qui les liera à jamais.






    C'est l'histoire de la rencontre improbable de deux enfants au destin marqué par le malheur qui se retrouvent et vont vivre à leur niveau, sans se poser de questions, des instants exceptionnels. Le vieil homme se souvient, juge l'enfant qu'il était et l'adulte qu'il est devenu, évoque ses blessures et ses regrets. L'auteure sait éviter les attendrissements inutiles sans pour autant omettre l'émotion vraie enrichie par la fraîcheur et l'optimisme propres aux enfants.
    Une toute petite réserve pourtant : la bestialité du père un peu trop exagérée mise en opposition à l'angélisme de la mère était-elle indispensable ?
    Il n'en reste pas moins que c'est une belle histoire d'enfants, en particulier celle d'un petit garçon qui voulait retrouver un frère !

    Editions de L'Olivier 2007 (210 pages)






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Josèphe