jeudi 6 octobre 2016

Ma part de Gaulois de Magyd Cherfi

    " L'exception française c'est d'être français et de devoir le devenir."

    D'origine algérienne l'auteur naît le 4 novembre 1962 à Toulouse où se déroulent son enfance et son adolescence. Dans ce récit autobiographique il évoque les années 80 et le choc culturel que vit la France confrontée aux problèmes d'une diversité à laquelle elle n'est pas préparée. A 18 ans parce qu'impliqué dans un militantisme politique de gauche (Motivé-e-s), il peine à obtenir sa réintégration dans la nationalité française.
    Parolier et chanteur du groupe Zebda, en 2000, il se tourne vers la littérature puis vers l'écriture pour assouvir sa passion des mots. Il publie chez Actes Sud deux recueils de nouvelles, "Livret de famille" en 2004 et "La Trempe" en 2007. "Ma part de Gaulois" (2016) est l'histoire incroyable et collective du premier BAC arabe de la cité des quartiers nord de Toulouse.

    "On a été français un temps, le temps de la petite école qui nous voulait égaux en droits. On a aimé ce "nous" qui nous a fait frères avec les "cheveux lisses". On ne savait rien d'une quelconque histoire nous concernant, pas la moindre référence d'un grand homme de lettres, d'un poète, d'un peintre, d'un architecte de Béjaïa ou d'Alger, rien d'un sportif de Sidi Bel-Abbès ou d'un exploit auquel s'identifier. Alors on s'est agrippés au conte gaulois, aux pages pleines de héros blonds aux yeux d'émeraude et on trouvait ça chouette d'être blond, d'avoir les yeux bleus...
    Français jusqu'à dix-sept heures ! Et ensuite la rue nous broyait."

    Au temps de la petite école a suivi le temps des copains où il n'est pas de bon ton de parler intello, d'utiliser les mots qui sont traitres à la famille, à la religion. "Parle bien ta race" qu'ils lui disaient et comme il avait du mal à s'exécuter ils le traitaient de pédé, le pédé qui prend des baffes à la récré parce qu'il est bon élève !
    Pendant les années de collège porté par l'ambition de sa mère qui le rêve bachelier, soutenu par l'amitié indéfectible de Momo et de Samir il continue d'apprivoiser les mots et assume, enfin, son irrépressible besoin de raconter des histoires :
 
"A défaut d'être "mec", je me suis fait plume et ma haine, plutôt que des poings, s'est servie d'un stylo."

    Peu à peu les circonstances en font l'écrivain de la cité qui prête sa plume aux familles pour donner des nouvelles au bled, lire une lettre, remplir un formulaire, déchiffrer un document officiel. Mais, inventer des histoires est ce qu'il préfère même si par incompréhension et jalousie les copains le malmènent.
    Avec Momo et Samir, les trois complices vont assurer le soutien scolaire des jeunes, essayer d'alléger l'enfermement des filles et, vaste programme, jeter un pont entre les familles et la société pour poser des perspectives d'avenir.


 Il évoque avec justesse, l'écartèlement qu'il vit entre son attachement à l'école de la République et ses origines algériennes qu'il ne peut gommer. L'oralité de l'écriture, sa truculence, son réalisme qui ne craint pas la crudité parfois donnent une véracité hors du commun au tableau qu'il fait de son quartier plongeant le lecteur dans un monde qu'il pensait connaître. Ce récit a le mérite de nous faire admettre qu'il reste encore un long chemin à parcourir à ces deux mondes pour se rencontrer, s'accepter et effacer les traces d'un rendez-vous manqué.

    Editions Actes Sud 2016 (260 pages-19,80€)


    

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Josèphe