samedi 7 mars 2015

Le septième jour de Yu Hua

    "Par un épais brouillard, je suis sorti de la maison que je louais, et j'ai divagué dans la ville irréelle et chaotique.Je devais me rendre dans cet endroit qu'on appelle funérarium, et qu'on appelait jadis le crématorium. On m'y avait convoqué, avec obligation de me présenter là-bas avant 9 heures du matin, ma crémation étant prévue pour 9h30."

    Etonnant début pour aborder l'oeuvre d'un écrivain que je découvre à son...dixième roman. Rien de macabre dans ce livre, juste une réflexion sur le destin des hommes et sur le sens de la mort. Rien de morbide non plus, c'est le moyen détourné que l'auteur a choisi pour célébrer la vie.
    Le titre qui renvoie à la création du monde selon la Bible rythme le déroulement de l'action sur sept jours. Une critique sociale et politique sous-jacente et discrète ancre le récit dans la réalité de la Chine d'aujourd'hui.
    Au lecteur d'accepter de suivre les personnages qui évoluent de l'autre côté de la vie et perdent peu à peu leur aspect humain pour se transformer en squelettes plus ou moins décharnés.

    Yang Fei meurt brutalement dans une explosion. Seul, il arrive de l'autre côté, dans un "no man's land" où il va errer pendant sept jours trop pauvre pour se payer une sépulture. Il déambule dans ce monde au milieu des êtres qui comme lui sont en attente d'une incinération impossible. Il espère y retrouver son père brutalement disparu : très vieux et malade, il s'était "évaporé" pour ne pas peser sur la vie de son fils.
    Au long de ses déambulations il retrouve d'anciennes connaissances et ils s'empressent tous de "rejouer" ce qui n'est que la parodie de leur vie sociale d'avant. Cette parodie basée uniquement sur le faire-semblant aide Yang Fei à comprendre et oublier les souffrances de son existence et à trouver une signification à sa vie passée dans une atmosphère de calme et de sérénité.

   Très beau cheminement, sensible témoignage  qui tout en restant lucide sur la Chine actuelle est empreint d'une grande douceur et de beaucoup de poésie. Un travail de mémoire sans une once d'esprit revanchard, un immense hommage à la vie qui laisse au lecteur, quand il referme le livre, un incroyable sentiment d'apaisement.

"...Moi-même, j'écris pour garder une trace du monde, pour transmettre la réalité actuelle aux lecteurs à venir." Yu Hua
  (cité par Marine Landrot-télérama 17/12/2014)

   2013- Actes Sud 2014 traduit du chinois par Angel Pino et Isabelle Rabut

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Josèphe