lundi 10 février 2014

Je ne retrouve personne d' Arnaud Cathrine

    Villerville, la ville de son enfance, Aurélien n'y était pas revenu depuis qu'il était parti vivre à Paris pour devenir écrivain.
    A la retraite, ses parents avaient vendu la pharmacie en Normandie
pour aller s'installer à Nice. Chaque été, ils revenaient passer un mois
dans la maison familiale face à la mer. Devenus âgés, ils décident de vendre la villa. Mandaté par son frère aîné qui ne lui a pas laissé le choix, Aurélien est prié de s'occuper de la transaction.
    Délaissant la promotion de son dernier livre, c'est à l'automne qu'il revient après cinq ans d'absence pour un week-end qui se prolongera en réalité plusieurs semaines. Parcourant la maison pour la rouvrir - les lieux, les odeurs, les bruits, rien n'a changé - il est assailli par les souvenirs et rattrapé par son adolescence et sa jeunesse.

    "J'ai voulu quitter Villerville à toutes forces, ne revenant qu'avec parcimonie, et me voilà affrontant par avance la séparation d'avec cette maison ... Car c'est bien ça dont il s'agit : la maison va être vendue et je donnerais cher pour ne pas avoir à la vider, comme l'on refuserait d'aller à la reconnaissance d'un corps."

    Il est seul dans cette maison et c'est la première fois. Face à face avec lui-même, l'instant est propice pour faire le bilan des années passées, le décompte de ce qui n'est plus, réaliser que les copains et lui-même ont changé, accepter de ne plus être un "éternel jeune homme" et envisager de s'ouvrir à d'autres possibles.

    "Seul dans cette maison, je laisse au contraire tout affleurer, sans percevoir encore les effets de ce reflux. On dirait qu'une digue intérieure a cédé. Seule menace active que je tiens éloignée : ces deux amants, là-bas sur la plage. Je ne souhaite les voir que de loin."

    Oublier qu'un soir de septembre, lassée par son refus obstiné de lui faire un enfant, Junon l'a quitté et qu'il n'a pas su la retenir. Un enfant qu'elle a eu quand même, sans lui, sans "personne". Une petite Michelle qui entrera dans sa vie et qu'il ne pourra pas s'empêcher d'aimer.
    Se défendre de sombrer dans la mélancolie, solder les comptes de sa jeunesse, se libérer des liens
familiaux qui le ligotent, accepter de perdre ceux qu'il n'a pas reconnus parce qu'il ne les avait pas compris et attendre ceux et celle qui l'aideront à s'engager dans une autre vie comme il sait si bien le faire en écriture.

"Alors quoi de mieux, aujourd'hui, que de rester ici, n'être plus là pour personne d'autre que moi-même, lâcher ce masque idéal qui me pèse et Dieu sait qui de lui, de moi ou de nous reviendra à Paris."

    Journal d'un trentenaire en crise traité avec élégance et discrétion. L'auteur est toujours à l'aise dans le domaine de l'intime : tout est suggéré sans grandes effusions et sans jamais hausser le ton. Le lecteur accompagne Aurélien à pas feutrés, sans faire de bruit pour ne pas le déranger.

    Editions Verticales 2013 227 pages (17,90€)

    Arnaud Cathrine né en 1973
  • Sweet home 2005
  • La Disparition de Richard Taylor 2007
  • Le Journal intime de Benjamin Lorca 2010
Ses trois  derniers romans publiés chez Verticales.

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Josèphe