dimanche 6 octobre 2013

Le coeur de l'homme de jon kalman Stefansson


    Après Entre ciel et terre (2010) et La tristesse des anges (2012), Le coeur de l'homme termine la trilogie islandaise de l'auteur.

    Le gamin, son parcours initiatique est le fil rouge de la trilogie. Dans le premier volume, il voit mourir son ami Barour qui lui avait transmis sa passion des livres. Dans le second volume, il part avec Jens le postier pour une tournée improbable et périlleuse. En cours de route, Hjalti qui se joint à eux pour ramener au village le cercueil d'une jeune femme en vue d'un enterrement décent disparaîtra englouti par la neige. Epuisés, Jens et le gamin sont victimes d'une avalanche qui leur laisse peu de chance de s'en sortir indemnes.

    Dans ce troisième volume, nous sommes toujours en Islande, au XIXème siècle, sur cette île au climat extrême, aux hivers interminables, aux printemps éphémères et aux étés sans nuit où la campagne de pêche rythme la vie du port.
    Nous retrouvons nos deux miraculés qui émergent d'un long sommeil réparateur. Par un heureux hasard, ils ont atterri sur le toit de la maison d'Olafur le médecin qui s'est chargé de les remettre sur pieds. Enfin rétablis et le dégel venu, ils regagnent chacun leur village, non sans regret pour le gamin très ému par la jeune femme rousse qui les avait soignés. Son souvenir ne cessera de le hanter.
    C'est à l'auberge de la veuve Geirbruour, femme émancipée qui sait tenir tête aux hommes et aux éléments, que le gamin trouve refuge et rencontre tous ceux qui vont l'aider à se construire : Gisli, le directeur des écoles, Helga, Andréa qui abandonne Pétur son mari au coeur sec, Olafur, Högni, Rakel qui a peur des hommes, Sigurour le médecin, Kolbein le capitaine aveugle et sa bibliothèque, lieu de toutes les convoitises pour le gamin sans instruction devenu amoureux des livres et des mots. Bien d'autres personnages, plus ou moins influents, gravitent autour de lui étoffant le tableau réaliste et foisonnant du village.

    L'auteur excelle dans l'évocation poétique d'une nature dure aux hommes qui impose sa loi et ne pardonne aucune erreur. Epopée lyrique où les personnages luttent pour une survie rendue hypothétique par la rudesse des hivers, la violence des éléments et la pauvreté.

    Comment peut-on survivre en un pays où le printemps libérateur assassine les faibles ? Où un hiver interminable et noir pèse comme un couvercle sur l'esprit des gens où l'été aux nuits claires vous déçoit si souvent, que faut-il pour survivre à tout cela ? (p.63)

    Avec sensibilité il dit les doutes, le temps qui passe, les rêves, l'espoir d'une vie meilleure. Avec subtilité il fait entendre la voix des morts gardiens de la sagesse et de la transmission tout en nous maintenant dans la réalité d'un siècle et d'un pays qui font que la vie, pour certains islandais, se transforme en cauchemar.

    ... Il tombe de la neige fondue, tout est mouillé, tout devient gris, la mer s'ébroue et les noyés parlent du printemps, de ces nuits où tout est clair, lorsque le monde se change en éternité bleue et quelque part , à une profondeur de soixante-dix mètres, son père est assis et les poissons se cognent doucement à son visage, il s'imagine être encore vivant au lieu de reposer, noyé, au fond de la mer et il imagine qu'elle l'embrasse, des baisers froids, donné sous soixante-dix mètres d'eau, les os de son crâne craquent sous le poids de l'océan, ce poids qui le maintiendra au fond, dans la solitude de la mort, pendant l'éternité, une éternité de ténèbres, à moins que le gamin ne se mette à vivre. (p.82) 

    Ce troisième roman, le plus long de la trilogie, aurait sûrement gagné à être un peu allégé dans sa partie centrale. La fin m'a semblé s'éterniser comme si l'auteur ne pouvait se résoudre à quitter ses personnages ?  

    Editions Gallimard 2013, traduit de l'islandais par Eric Boury

Les lecteurs intéressés peuvent retrouver sur le blog les articles sur
     Entre ciel et terre, publié le 03/07/2011
     La tristesse des anges, publié le 11/05/2012
ainsi qu'une biographie de l'auteur.




2 commentaires:

  1. Difficile de lire un autre livre à la suite de ces trois merveilleux livres de Stefansson (et ne pas oublier le traducteur). Cela faisait si longtemps que je n'avais autant été touchée par une lecture, je n'arrive pas à quitter les personnages de la trilogie. Pas de Nobel de littérature pour le couple Stefansson et Eric Boury, à quoi pense-t-ils?

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    1. "Entre ciel et terre" m'a littéralement envoutée. Une île inconnue au climat si rude et si dur aux hommes, une écriture si proche des personnages, font vivre une aventure inoubliable. Impensable de ne pas lire les deux suivants !

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Josèphe