"J'ai eu envie de connaître Bénédicte Ombredanne en découvrant sa première lettre : c'était une lettre dont la ferveur se nuançait de traits d'humour, ces deux pages m'ont ému et fait sourire, elles étaient aussi très bien écrites, c'est un alliage suffisamment rare pour qu'il m'ait immédiatement accroché."
Dans cette lettre, Bénédicte Ombredanne, expliquait à l'auteur combien elle avait été sensible aux qualités littéraires et humaines de son livre, qualités qui avaient trouvé chez elle un écho tout particulier. L'adresse électronique notée sous la signature appelait implicitement une réponse. A la fois flatté et intrigué il avait décidé de lui écrire. Après une seconde lettre où elle analysait avec pertinence son roman, il lui avait proposé une entrevue lorsqu'elle viendrait à Paris. C'est au cours de leur deuxième entretien que Bénédicte laissa tomber le masque pour se livrer sans retenue abandonnant les réticences qu'il avait bien senties sans oser insister par discrétion. Victime du harcèlement d'un mari violent, sa vie était devenue un véritable enfer qu'elle avait réussi à cacher à son entourage mais pour combien de temps encore. Afin de l'aider Eric Reinhardt l'avait encouragée à se confier quand elle en aurait la possibilité.
Dès les premières lignes j'ai su que j'allais trouver dans ce livre tout ce que j'attends d'une lecture : qu'elle m'étonne, me surprenne, que le sujet porte à réflexion et que l'écriture soit digne de ce nom. Mais, je l'avoue, je n'avais pas envisagé de m'impliquer émotionnellement à ce point.
Cette implication n'est pas étrangère à la qualité de l'écriture : concision dans l'analyse du comportement de ce mari passé maître en humiliation et insulte qu'il distille en permanence probablement pour masquer sa propre médiocrité, précision dans le processus de destruction qui annihile chez cette femme la possibilité de se révolter et d'agir.
Je suis restée indignée devant l'acharnement et le savoir-faire du mari, incrédule devant la passivité de cette femme à se laisser détruire parce que je n'avais pas réalisé que le but du harcèlement c'est la perte d'identité de l'autre. Il avait pris sur elle "une emprise absolue, il était parvenu à la rendre à ce point dépendante, affectivement, de sa personne, qu'il pouvait, par son comportement, de la manière la plus primaire, agir sur la psychologie et sur l'état mental et donc physique de Bénédicte..." J'ai été horrifiée par l'ampleur et la constance de la perversité de cet homme qui ne renonça jamais à l'exercer, pas même devant la mort, et dont la "folie" destructrice aura su gagner l'adhésion de ses enfants.
Au fil des pages arrive le temps de la compassion mais certainement pas celui de l'oubli. Le lecteur gardera en mémoire, pour la beauté de sa narration, le seul moment de révolte que Bénédicte s'est octroyé : une journée dans la forêt des Vosges, une rencontre dont le souvenir lumineux éclairera toutes ses années à venir et que nul ne pourra jamais lui ravir.
Editions Gallimard 2014 (366 pages, 21,90€)
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Josèphe