Ces terres, le père ne les avait pas payées cher mais elles avaient usé leur vie. A la mort de leurs parents, Laurel et Hank en ont héritées et vivent depuis au fond du vallon que le soleil peine à réchauffer et où jamais personne ne s'aventure.
1917, Hank rentre de France où, comme beaucoup d'Américains, il était parti faire la Grande Guerre. Marqué à jamais il revient amputé d'une main pour affronter les problèmes que pose une telle blessure.
Laurel était restée seule au fond du vallon et avait assumé le travail de la ferme. Elle est habituée à la solitude. Depuis son entrée à l'école elle se sait rejetée par les autres : affublée d'une tache de naissance sur le cou et le bras, les habitants du village l'évitent. "Coïncidences et ignorance" leur explique l'institutrice, mais rien ne peut les faire changer d'avis. Pour eux, elle est maudite et c'est sa seule présence qui a provoqué la mort de ses parents.
Slidell, leur plus proche voisin, vient parfois donner un coup de main à Hank et de temps en temps ils profitent de sa charrette pour aller au village s'approvisionner. A Mars Hill, si son frère est bien accueilli, Laurel reste toujours la pestiférée qu'il faut éviter.
Un matin, alors qu'elle lave le linge à la rivière elle est séduite par le chant d'un oiseau qu'elle entend pour la première fois. Intriguée, guidée par la mélodie elle finit par découvrir un joueur de flûte assis au pied d'un arbre. Un inconnu quelle écoute sans se montrer et sans en parler à son frère.
Inquète de ne plus l'entendre, elle part à sa recherche et le découvre agonisant couvert de piqûres de frelons, le ramène à la ferme pour le soigner et trouve sur lui un papier disant qu'il s'appelle Walter Smith, qu'une maladie la rendu incapable de parler et qu'il désire se rendre à New York.
Si Hank doit accepter l'arrivée du fugitif, Laurel pense qu'enfin cet événement va rompre la monotonie et "ensoleiller" sa vie.
1957, il ne reste plus personne à expulser, personne pour regretter cet "endroit où il n'arrivait que des malheurs". La rivière glisse toujours entre les deux falaises, les arbres et les buissons accrochés aux pentes envahissent toujours les ruines de la ferme, le vallon attend d'être englouti sous les eaux d'un lac artificiel.
Aucune importance si l'histoire est prévisible puisque l'auteur réussit à nous captiver jusqu'à la fin. Il donne vie à cette terre de misère qui englue les hommes accrochés aux superstitions héritées des générations précédentes, habités par l'intolérance, l'ignorance et la jalousie, déroutés par le retour des garçons que la guerre a brisés. C'est de l'éducation, Ron Rash en est convaincu, que la solution viendra. Mais que peut une modeste institutrice contre le déferlement des hommes devenus incontrôlables ?
Indéniable force évocatrice d'une nature qui domine l'homme plus qu'elle ne l'accueille dans ce roman "noir" éclairé par les instants privilégiés où le lecteur se retrouve seul pour écouter chanter la flûte.
Editions du Seuil 2012, 243 pages, 20€
Traduit de l'anglais (Etats Unis) 2014 par Isabelle Reinharez
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Josèphe