vendredi 6 juin 2014

Standard de Nina Bouraoui

     Après "Appelez-moi par mon prénom" paru en 2008, j'ai attendu six ans pour renouer avec l'oeuvre de Nina Bouraoui.
    L'auteure aborde ici le genre "socio-politique", met en scène un loser, Bruno Kerjen originaire de Saint-Malo aussi terne et ennuyeux qu'une journée de crachin breton.
    "Bonnes ou mauvaises, Bruno Kerjen n'aimait pas les surprises, menant une existence qui ne devait pas l'éloigner du canevas qui s'était tracé malgré lui au fil des années, qu'il avait fini par accepter...
    Son existence était pareille à une coutume. Il en faisait usage comme tant d'autres avaient fait avant et feraient après lui. Il n'avait rien d'unique, on ne lui proposait rien d'unique, glissant sur des rails, dans un sens puis dans l'autre, avec pour seul repère le temps qui passe."
    Il avait quitté la Bretagne pour habiter Vitry et prenait chaque jour le RER pour aller bosser place d'Italie chez Sépélec où il assemblait des composants électroniques. Bien faire son travail mais refuser tout avancement, regagner son appartement pour des soirées solitaires, se goinfrer de pizzas, se soûler à la bière, se masturber en écoutant une spécialiste au téléphone, c'était là son quotidien qu'il n'avait pas l'intention de changer.
    Pas de femme, pas d'enfants, il avait toujours fait en sorte de ne pas s'impliquer sentimentalement. Quand son père meurt brutalement, il revient à Saint-Malo où il semble plus ennuyé que peiné. Il retrouve Gilles son pote et quand ils évoquent les années passées et la blonde Marlène du lycée, Bruno s'empresse de chasser ce souvenir qui le perturbe.
    Bruno Kerjen, anti-héros, l'expérience aurait pu être intéressante. Au début, l'histoire bien conduite, cernant de près son personnage, finit par s'étirer de page en page, donne l'impression au lecteur de faire du sur place et devient alors carrément répétitive et ennuyeuse. J'ai en vain cherché dans ce roman qui m'est tombé des mains à la 75ème page, la Nina Bouraoui qui m'avait charmée par son lyrisme, ses accents de sincérité quand elle criait sa révolte, ses colères et quand elle évoquait avec sensualité ses émois amoureux, par son écriture très personnelle souvent sous influence autobiographique qui la nimbait d'authenticité.
    Je fais probablement partie, même si je m'en défends, des lecteurs qui attendent des auteurs qu'ils apprécient continuité et permanence leur déniant, peut-être ainsi, la possibilité d'évoluer. Ce qui est certain, c'est que je vis toujours très mal l'abandon d'une lecture, c'est pour moi un échec, mon échec, pas forcément celui de l'écrivain.

    Flammarion 2014, 284 pages, 19€ 


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Josèphe